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Leica R8

(1997-2002) - un Leica R performant et ergonomique

jeudi 25 mai 2006, par coignet

LE LEICA R8, UN BOÎTIER (PRESQUE) INTÉGRALEMENT NOUVEAU

Le Leica R8 fait son apparition en 1997, et peut être considéré comme un matériel complètement à part : de ses prédécesseurs Leica R, il a conservé peu de chose, et il est à contre-courant de se qui se fait alors chez les autres constructeurs de reflex. En effet, Leica est maintenant le seul fabricant de matériel photographique 24 x 36 à proposer un boîtier totalement innovant, mais pourtant orienté pour une utilisation manuelle, et sans autofocus.

Cela ne signifie pas que le R8 puisse être considéré comme un boîtier "à l’ancienne" : ses caractéristiques très avancées le placent parfaitement dans son temps, aussi bien du point de vue de son design très particulier, que du point de vue des fonctionnalités et des techniques retenues.

Un design « dans le vent », mais différent

D’aspect, et lors de la manipulation, le R8 se distingue de tous les boîtiers précédemment fabriqués par Leica, de la gamme R comme de la gamme M. Le R8 est véritablement le résultat d’une réflexion nouvelle sur la prise en main et l’usage d’un boîtier 24 x 36.
Jusqu’ici, les boîtiers Leica sont développés autour d’une fonction de base : dérouler un film devant un obturateur, et disposer une optique. La forme du boîtier traditionnel, plat et allongé, de la taille d’une petite brique, aux angles plus ou moins arrondis ou anguleux, découle de ce simple programme, dont le Leica M constitue une sorte d’aboutissement.

Nikon a apporté en son temps une petite révolution avec son F3 de 1980, résultat de la collaboration de la marque avec le designer italien Giugiaro. Un renflement du corps du boîtier sous les doigts de la main droite améliorait considérablement la prise en main, la nouveauté fit sensation. Depuis, toutes les marques ont adopté l’idée d’un corps-poignée, et les boîtiers reflex présentent un très important renflement destiné à la préhension. Celui-ci devient d’autant plus important que les autres doigts voient leurs fonctions changer : depuis le début des années 1990, on n’arme plus son boîtier, on ne tourne plus un barillet des vitesses : on enfonce des boutons du bout de l’index, déplace des petits leviers, commute des positions "off" en position "on".
Les boîtiers professionnels, chez Canon (EOS), Nikon (F4, F5), Contax (RTS) n’échappent pas à cette nouvelle règle.

Avec le R8, le designer chargé de l’étude, Manfred Meinzer, a intégré ces éléments installés dans le paysage photographique, les appliquant à un boîtier dont le programme différait de celui de ses concurrents : le nouveau R8 comporte toujours un levier d’armement, des moteurs adaptables, un barillet des vitesses d’obturation ; il est toujours conçu pour être utilisé en mode manuel avec le maximum de confort ; il n’a pas de dispositif de mise au point autofocus. Ainsi, ce n’est pas la prise en main d’un boîtier travaillant à-peu-près seul, qui a guidé le travail du designer, mais l’étude de sa maniabilité. Le renflement caractéristique du R8 dans la main droite devait à la fois améliorer la prise en main et assurer le minimum de fatigue, mais aussi permettre la libre action du pouce sur le levier d’armement, et de l’index sur le barillet. C’est essentiellement en ce sens que ce boîtier se distingue des autres.

De manière pouvant paraître conventionnelle, ou en tous cas relativement proche de ce que le design produisait au moment de sa conception, le R8 décline un vocabulaire de courbes et de surfaces complexes, dont l’étude et l’usinage précis sont rendus possibles par l’utilisation du modèle 3D informatique. Il réussit plutôt brillamment un exercice de style complexe combinant les formes fluides et arrondies qui sont la tendance de l’époque, et un jeu d’arêtes vives qui donne à l’ensemble une vigueur certaine. Ainsi, le nouveau Leica se coule dans l’esprit contemporain, mais échappe à certaines tendances du bio-design. D’aspect massif, il intègre dans son volume général le prisme et la saillie de la chambre de visée, se démarquant ainsi nettement de l’allure conventionnelle des boîtiers reflex.
Enfin, et c’est remarquable, son aspect général a réussi à personnifier le Leica, peut-être plus sûrement que l’ancienne génération de boîtiers reflex de la marque.

Un travail tout particulier a été mené pour rendre les commandes à la fois souples, faciles d’accès, peu nombreuses, et intimement intégrées à la ligne du boîtier. Les barillets de sélection de la vitesse d’obturation, et de choix des modes, sont insérés dans le capot, légèrement saillants en face avant, ainsi protégées des chocs, des accrocs, et tombant naturellement sous les doigts. Sacrifiant à la mode, certaines données sont affichées sur un écran dans la porte du dos : la sensibilité de la pellicule, l’état des piles, etc. Le compte-vue est également affiché de manière numérique, en face arrière du boîtier.

Cette remarquable réussite esthétique a été saluée par la critique, et le design du R8 a été récompensé par le German Industrie Forum Design Hannover.

Technique : le grand bond en avant !

Dans le paysage des années 1990, les Leica R6 et R7 semblaient sérieusement à traîne d’un point de vue technique, et leurs ventes chutaient un peu dangereusement pour la survie de la gamme R. Le fait que ces boîtiers semblaient n’avoir quasiment pas évolué depuis 1980, toujours limités au 1/2000e de seconde comme vitesse d’obturation la plus haute, n’était pas étranger à cette désaffection du public.

Avec le nouveau R8, les retards pris par Leica sont comblés, et tout ce qu’on peut attendre d’un boîtier moderne y est présent :

  • l’obturateur permet le 1/8000e de seconde, et une synchronisation du flash au 1/250e de seconde ;
  • le photographe dispose de trois méthodes de mesure de l’exposition : en plus des méthodes de mesure sélective et intégrale habituelles sur les boîtiers de la marque depuis le R3 de 1976, une nouvelle méthode multi-zone est également disponible ; chacune des trois méthodes de mesure peut être combinée avec les quatre modes de fonctionnement : priorité vitesse ou priorité ouverture, mode de programme automatique variable et configurations manuelles ;
  • le viseur a été amélioré, les verres de visée affinés, et le dégagement oculaire augmenté ;
  • la gestion du flash comprend un nouveau système d’analyse individuelle de pré-exposition (flashmètre), ainsi qu’une commande instantanée entièrement automatique.

Ont été intégrés également un système de braketting, un blocage du miroir en position relevée, et la possibilité de réaliser des expositions multiples motorisées.

Certaines autres caractéristiques techniques des boîtiers précédents se retrouvent sur le R8.
La chambre de visée, son mécanisme, et le système de renvoi de la lumière sur l’élément photo-sensible, sont en effet directement issus des précédents R4-R7 : on retrouve le miroir semi-transparent, le large réflecteur de Fresnel, qui semble identique, et le couplage mécanique aux optiques, propre aux anciens modèles R compacts. Ce dispositif permet les mesures sélectives et intégrales identiques à celles des boîtiers précédents. Mais la mesure de la lumière dispose sur ce nouveau modèle d’un mode supplémentaire, la mesure multizone, pour laquelle le microprocesseur du boîtier propose une mesure équilibrée en fonction d’une analyse de la lumière sur 6 segments : une mesure centrale sur la zone correspondant à la mesure sélective, une mesure centrale élargie, et quatre zones correspondant aux quatre angles de l’image.

Le boîtier reçoit en accessoire un winder et un moteur, dont le silence de fonctionnement, la compacité, et l’intégration au boîtier, sont remarquables.

Il faut aussi noter la présence de contacts électriques qui ont permis le couplage du dos numérique (DMR) produit 7 ans plus tard en 2005.

Couplage du boîtier : une modification des optiques

Pour la troisième fois depuis l’apparition de la gamme R en 1964, le dispositif de couplage des optiques aux boîtiers est modifié. Il l’avait été en 1974, avec l’ajout d’une came supplémentaire pour le SL2, et en 1976, avec l’ajout de la came R pour le R3, et son automatisme d’exposition.
Cette fois-ci, il s’agit de l’ajout de contacts électrique, qui permettent de transmettre au boîtier des informations très précises sur l’optique qui est utilisée, autorisant des réglages très fins du boîtier, ainsi que des flashes en fonction de la focale. Cette nouvelle ROM (read only memory) est montée à la place d’une des anciennes cames pour Leicaflex, et les optiques ainsi équipées ne sont pas utilisables sur ces anciens boîtiers. En revanche, les optiques équipées depuis 1976 d’une came R, ou de trois cames, sont utilisables sur le R8, qui fonctionnera parfaitement bien sans ces données supplémentaires. Quasiment toutes les optiques anciennes, en dehors de quelques exceptions, sont modifiables par Leica pour intégrer cette nouvelle ROM personnalisée.

Un boîtier salué à sa sortie, mais également critiqué

Le nouveau R8 a été fort bien accueilli par la critique lors de sa présentation, et a recueilli relativement peu de critiques négatives. Toutefois, il a pris un embonpoint certain par rapport à ses prédécesseurs, et cet aspect n’a pas toujours été très bien reçu. Leica explique ce choix par la destination de ce boîtier à des optiques souvent volumineuses, comme les summilux de toutes focales, la gamme de télé-objectifs, ainsi que les zooms.
On notera enfin, en bémol, que le souci de l’intégration de commandes les moins saillantes possible a amené à la création d’un levier de contrôle de profondeur de champ nettement moins ergonomique que le volumineux levier des R3 à R7 précédents. De même, on a pu regretter l’absence de compteur de vue sur le capot supérieur, lacune corrigée avec le R9 suivant, et dernier de l’histoire du Leica R.

Le R8 a notamment reçu les distinctions suivantes :

  • le magazine allemand de consommateurs "Stiftung Warentest" a testé 10 appareils reflex dans son édition de mai 1997 et est arrivé à la conclusion que la qualité du Leica R8 mérite leur meilleure note, un "Sehr Gut" (très bon). ;
  • le magazine français "Chasseur d’Images" a accordé cinq étoiles (la meilleure note) au R8. Le test a paru dans le numéro 191 de mars 1997 (disponible sur photim.com) ;
  • le Leica R8 a gagné un des prix internationaux les plus réputés, attribué par le German Industrie Forum Design Hannover, pour son design.

Utiliser le R8 aujourd’hui

On peut dire que rien ne limite l’emploi du R8 aujourd’hui. En effet, il n’a eu qu’un successeur, le Leica R9, qui aurait tout aussi bien pu s’appeler Leica R8-2 : ce dernier est un R8 actualisé, un peu allégé par l’emploi de matériaux nouveaux, et dont certaines données techniques, en particulier concernant la gestion des flashes, ont été complétées.

Il faut souligner que la conception du R8 a été telle que ce dernier fonctionne avec le DMR, apparu en 2005 et destiné à la fois aux R8 et R9.

Caractéristiques techniques

Châssis en aluminium moulé sous pression, comprenant un socle en aluminium pour la fixation du trépied.
Capot supérieur en zinc moulé sous pression, chromé ou anodisé noir.

Poids : 890 g
L x H x ép. : 158 mm x 101 mm x 62 mm.

Mise en route du posemètre : par le barillet sélecteur de mode.

Méthode de mesure : sélective sur un cercle central de 7 mm, intégrale, ou multizone, mode affiché dans le viseur.

gamme de couplage : à 100 ISO, EV -4 à 20 en mesure sélective,
EV -2 à 20 en mesure intégrale et multizone.

Modes fonctionnels :

  • M. manuel
  • A. automatique avec priorité à l’ouverture
  • T. automatique avec priorité à la vitesse
  • P. programme automatique variable
  • F. pré-exposition flash

Méthodes de mesure TTL :

  • sélective
  • intégrale
  • multi-zone
  • méthodes combinables avec les divers modes fonctionnels

Correction d’exposition : + ou - 3 EV par pas de 0,5

Obturateur : à commande électromagnétique, à lamelles métalliques à défilement vertical.

  • En mode manuel : pose B, temps de pose de 16 s à 1/8000e s
  • En mode automatique : temps de pose de 32 s à 1/8000e s, en continu.
  • Synchro X : 1/250 s.

Levier de profondeur de champ, retardateur, relevage du miroir, levier de surimpression.

Viseur : Hight-Eyepoint, 93% du format (100 % d’une diapositive montée), grossissement 0,75 avec un objectif de 50 mm mis au point à l’infini.
Six verres interchangeables, plus des verres dédiés au DMR.

Flash : contacts X, et contact pour sabot de flash normalisé (dédié spécialement au système Metz par l’intermédiaire de l’adaptateurs SCA 3501).
synchronisation à 1/250e de seconde.
Les programmes P et A commutent sur la synchronisation flash. Des temps d’exposition plus longs sont accessibles avec les programmes M et T.

Mesure d’exposition TTL : mesure intégrale-centrée avec les Leica SF20, SF24D et les flashs compatibles avec un adaptateur SCA 3501, mesure flash avant que l’image soit prise, mesure sélective TTL, même sans flash spécifique.

Alimentation : deux piles 3 volts CR2 au lithium.

Moteurs : Motor-Winder 2 images/seconde ; Motor-Drive, commutable 4,5 images/seconde, 2 images/seconde, vue par vue.

Photos © Leica Camera, et Sylvain R.

Mises à jour : février 2016 - juillet 2016


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