M numérique Vs M argentique > duel à coût(eaux) tirés…

Gekko18
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Bonjour à tous,

Ce fil est juste le résultat de la découverte d’un article de Steve Huff concernant un comparatif sur le coût réel entre argentique et numérique.

Lien vers l’article originel : http://www.stevehuffphoto.com/2011/01/03/why-a-used-leica-m7-is-more-expensive-than-a-new-m9-by-mikael-tornwall/

J’ai remis à jour les différentes configurations et le prix du marché français.
J’espère de pas être trop à coté de la plaque.

Je me suis basé sur 3 appareils présents en ce moment.

- Le Leica M6 : 800 € en occasion
- Le Leica M9 : 3000 € en occasion
- Le Leica M240 : 6000 € en neuf.

Comme Steve Huff, je conserve mes boitiers numériques environ 3 ans soit à la revente :

- Leica M6 : 800 € - Perte négligeable
- Leica M9 : 1500 € - Perte de 1500 € soit un coût/an de 500€.
- Leica M240 : 3000 € - Perte de 3000 € soit un coût/an de 1000€.

Nota : j’ai volontairement arrondi grossièrement les chiffres.

Le coût d’un film N&B standard est d’environ 4,5 € (hors FdP et prix dégressif).
Le coût d’un développement seul en labo est d’environ 5 €. (hors planche-contact ou scan).
Celui réalisé à la maison est d’environ 1-1.5 € (en fonction du rendement et de la péremption du révélateur utilisé).

Soit un coût (traitement + émulsion) :

- Développement Labo de 9,5 €
- Développement Maison de 6 €



Par conséquent je considère pour justifier l’achat d’un M9 :

Il faut réaliser environ 83 films/an (Développement Maison) et 53 films/an (Développement Labo) soit respectivement 3 000 et 2 000 photos/an

Pour un achat d’un M240, le calcul devient donc :

Il faut réaliser 166 films/an Développement Maison) et 110 films/an (Développement Labo) soit respectivement 6 000 et 4 000 photos/an
 Le double, évidemment…


Dans cette étude, j’omets volontairement les éventuelles coûts de maintenance de appareils, promotions sur les consommables, le matériel complémentaire (agrandisseur, scanner, logiciel), les contraintes de gestion, le temps passé, etc … .

Dans mon cas, je tire les prix au maximum, augmentant par le fait, l’écart entre le numérique et l’argentique.

En conclusion :

Le numérique n’est pas gratuit (c’est évident).

Même si le fait d’avoir l’appareil photo dernier cri est pour certains, une raison d’être.
Cela a un coût non négligeable sur le budget.

Je vois énormément de M9 en ce moment sur le marché de l’occasion entre 3200 et 3500 € et dont le nombre de déclenchement n’excède pas les 20 000 vues voire même beaucoup moins.

J’en viens à me demander s’il ne serait pas préférable de rester en 100% argentique.

Je ne nie pas que le numérique n’a pas d’attrait, loin de là.
Mais je me suis ici, intéressé seulement à l’aspect financier de la démarche.

Je ne franchirai pas aujourd’hui, le pas vers un M numérique.

Je resterai avec mon M6 et je conserverai tout de même un reflex et son zoom de base pour réaliser de la photo-souvenir.

Je reconsidérai ma démarche à partir du moment où je prendrai plus de 5 000 photos par an.

Dans ce cas, je m’orienterai vers un appareil de génération antérieur (comme le Leica M9 aujourd’hui).

Peut être un Leica MM (miam, miam …).

Merci de m’avoir lu.
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pascal_meheut
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Ton calcul néglige le fait que dans certains cas (dont le mien), un M9 ou un M240 remplace 2 M7, 1 en couleur et 1 en N&B. Au passage, ils m'évitent aussi de jongler avec du 400 ISO en plein soleil et autres changements de sensibilité.

Le nombre de photo n'est pas comparable non plus : il m'arrive d'en faire 10 au M240 là où j'en aurais fait 2 au M6/7 même si ca dépend des sujets.
Robert
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Cela ne tient pas compte du T.U.P.P.A.S.P., éminemment variable d'un photographe à l'autre.
La conversion monétaire est donc notoirement difficile et ne tient pas compte de l'odeur de la confiture :lol:
Max160
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C'est sûr que le numérique n'est pas forcément une bonne affaire si on prend en compte uniquement le côté financier (du moins pour qui ne prend pas énormément de photos).

Outre "l’obsolescence" bien plus rapide du boîtier en numérique, il faut aussi considérer une obsolescence plus rapide de tout ce qu'il y a autour du fait de l'augmentation progressive du nombre de pixels des capteurs (le matériel informatique notamment voire une plus grande exigence sur la qualité des objectifs).

Cependant, rien n'oblige non plus dans l'absolu à changer souvent de boîtier numérique (sauf panne majeure ayant un coût de réparation jugé trop élevé ou améliorations "cruciales" proposées par une nouvelle version comblant des besoins personnels). ;)
pascal_meheut
Vieux briscard
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Max160 a écrit :
Outre "l’obsolescence" bien plus rapide du boîtier en numérique, il faut aussi considérer une obsolescence plus rapide de tout ce qu'il y a autour du fait de l'augmentation progressive du nombre de pixels des capteurs (le matériel informatique notamment voire une plus grande exigence sur la qualité des objectifs).


De ce coté, le même MacPro qui me traitait mes images au M8 fait parfaitement l'affaire avec le M240 et les optiques ont suivi aussi (merci Leica). Mais ca n'est pas forcément une généralité en effet.
ANDRESTEPHANE
Manque également le prix d'un scanner, parce que s'arrêter au négatif c'est pas génial.
Blowupster
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Le prix du Velvia 50 + dev. est plus cher que ça. Le temps d'un scan très long- Un bon scanner est hors de prix aussi. Mon labo "E-6" du coin m'a fait comprendre qu'à la fin de l'année ils vont arrêter cette activité chère et pas rentable, de plus ils sont parfois d'un contact désagréable.

J'avais estimé en vrais que chaque clic coûte un peu moins d'un Euro en argentique(proche d'un SFR en fait). Depuis le premier achat du M8, l'économie proposé selon votre modèle en comptant le nombre de photos faites m'aurait permis d'acheter une très belle voiture neuve. C'est dommage, je n'aime que les vielles motos.
Tout ça ne m'empêche pas de prendre aussi du plaisir avec de l'argentique, c'est mon luxe à moi.
floguill
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Là, on se retrouve un peu devant un comparo du genre "essence ou diesel ?".
Rien à voir, c'est une passion, une pratique artistique.

Cela ne devrait pas être le coût qui justifierait de choisir entre la pratique de l'argentique ou celle du numérique.
C'est aussi absurde que si on demandait : gouache ou aquarelle ? piano ou synthé ? Voile ou hors-bord ?

Si l'argentique me coûtait trop cher, je ne passerais pas pour autant au numérique.
Je ferais moins de films, je changerais ma façon de photographier mais je ne passerais jamais au numérique pour une simple raison financière.
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+1
La passion, ça n'a pas de prix. (pour tout le reste il y a Eurocard Mastercard)...
Au pire, je prendrai une partie de l'argent des courses pour acheter des films ;-)
Leica un jour, Leica toujours!
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Et quand on aime, on ne compte pas !!! :ravi:
Gekko18
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pascal_meheut a écrit :
Ton calcul néglige le fait que dans certains cas (dont le mien), un M9 ou un M240 remplace 2 M7, 1 en couleur et 1 en N&B. Au passage, ils m'évitent aussi de jongler avec du 400 ISO en plein soleil et autres changements de sensibilité.

Le nombre de photo n'est pas comparable non plus : il m'arrive d'en faire 10 au M240 là où j'en aurais fait 2 au M6/7 même si ca dépend des sujets.


Le numérique est de nombreux avantages qui sont à l’origine de son succès, c’est indéniable.
Je ne suis pas contre, je m’interroge juste sur le bien-fondé de l’ « investissement ».

Max160 a écrit :
C'est sûr que le numérique n'est pas forcément une bonne affaire si on prend en compte uniquement le côté financier (du moins pour qui ne prend pas énormément de photos).

C’est l’idée de ce fil de discussion.

Max160 a écrit :
Cependant, rien n'oblige non plus dans l'absolu à changer souvent de boîtier numérique (sauf panne majeure ayant un coût de réparation jugé trop élevé ou améliorations "cruciales" proposées par une nouvelle version comblant des besoins personnels).

Tu as entièrement raison.
Je pratique la photo-numérique depuis 10 ans et 3 ans est la fréquence de changement de mes boitiers.
Attention, je ne cours pas après le dernier modèle sortis, mais je considère que l’évolution technologique des APN fait, que cette alternance est concevable.


pascal_meheut a écrit :
De ce coté, le même MacPro qui me traitait mes images au M8 fait parfaitement l'affaire avec le M240 et les optiques ont suivi aussi (merci Leica). Mais ca n'est pas forcément une généralité en effet.

Il est évident que même un ordinateur de base avec des logiciels eux aussi basique, peuvent faire parfaitement l’affaire.
Je me place en tant qu’Amateur, loin du flux de travail des professionnels ayant des devoirs et obligations.

ANDRESTEPHANE a écrit :
Manque également le prix d'un scanner, parce que s'arrêter au négatif c'est pas génial.

J’ai omis délibérément l’achat d’un scanner ( ou d’un agrandisseur ) dans mes calculs comme je l’ai mentionné.
Plusieurs méthodes sont possibles suivant l’approche de chacun.
Certains préfèrent la numérisation directe des films.
D’autres choisiront de scanner les tirages (réalisés par eux même ou par un Labo).
D’autres ne numériserons pas.
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floguill
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Vieux briscard
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Essayez donc de faire mijoter une carte mémoire 9 minutes dans du D76, et ensuite, de la suspendre pour séchage 2 ou 3 heures dans votre douche.
Et bien vous le verrez par vous-même : le plaisir n'est pas le même qu'avec un film... :cool:
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T.U.P.P.A.S.P. : Temps Unitaire Par Photo Aboutie Sur le Papier.

Si on part de l'idée qu'une photo n'est aboutie qu'une fois sur le papier,
le Temps Unitaire consacré est variable et la valeur de ce temps est très variable pour chacun d'entre nous,
sans rentrer dans la polémique des 35 heures ou des RTT.

Une photo réalisée avec un Monochrom peut nécessiter des ajustements mineurs et se retrouver sur le papier très vite,
si cela est jugé pertinent par le photographe lui-même, voire son commanditaire.

Un fichier DNG couleur transformé en noir et blanc prendra plus de temps, un fichier couleur post-traité va demander aussi du temps.
Le filière argentique va en demander encore plus, que ce soit via un scanner, de qualité, ou un agrandisseur.

Il ne s'agit pas non plus d'opposer "slow" et "fast" food ni de décréter que tel ou tel procédé aboutit dans une catégorie.

Ce débat est nul et non avenu s'il ne s'agit que de montrer des images sur le web. L'image finie est sur le papier, AMHA.

Les entretiens avec les photographes professionnels publiés dans les revues ou des ouvrages savants montrent que le numérique a pris toute sa place,
mais que l’argentique garde des fidèles, soit irréductibles, notamment en moyen/grand format, ou épisodiques, pour des travaux qualifiés de personnels.

Presque tous soulignent la réduction de l’offre en papier avec des papiers moins riches que les papiers de la période glorieuse.
Cela me rappelle l’impression que j’avais eu en regardant des tirages « vintage » de photos de Lucien Hervé qui voisinaient des tirages modernes :
la différence était flagrante malgré la bonne qualité de ces tirages modernes.
La gamme de gris était nettement moins riche et le cliché devenait moins intéressant, perdant de sa beauté graphique intrinsèque,
s’agissant de constructions de Le Corbusier.

Dans le domaine de la couleur, on sait aussi que certains spécialistes comme Roland Dufau emporteront leur spécialité, i.e. le Cibachrome,
avec eux dans leur retraite bien méritée, en l’absence de matériau et/ou de successeur.

L’importance du tireur est souvent soulignée, venant renforcer l’intention du photographe, intention exprimée à la prise de vue ou a posteriori.
On peut imaginer que des « développeurs » de fichiers bruts vont voir le jour en sachant que l’on ne parle pas de manipulation d’image ou d’infographie.
La manipulation d’image n’est d’ailleurs pas propre au numérique et le débat entre tirage et traitement des données brutes (« raw »)
qui a été suscité par certains festivals (Arles, Perpignan) dans le domaine du reportage n’est pas clos.

La démarche reste finalement complexe puisque certains comme Salgado partent de fichiers numériques pour obtenir des négatifs « tirables » en argentique.
On voit aussi de plus en plus des tirages couleurs effectués avec des procédés argentiques à partir de fichiers numériques.
La motivation n’est sans doute pas que mercantile avec l’arrière pensée de la pérennité chère aux « collectionneurs », collectionneurs sincères ou investisseurs.
Le débat sur la pérennité des tirages jet d’encre n’est sans doute pas éteint malgré la qualité des encres et des papiers.
Christian Caujolle dans un numéro de Polka (été 2012) rapporte d’ailleurs sur le mode aigre-doux l’accroche publicitaire du photographe de St Antonin Nobleval
incitant les amateurs à « développer » leurs souvenirs numériques de façon à les rendre impérissables !

Mais, au-delà de ce débat, le choix du support final est aussi un débat esthétique, un affaire de rendu et de perception, voire de mode.

Il ne faut pas non plus oublier que l’outil d’observation, l’appareil, argentique ou numérique, induit un biais dans l’observation par son existence même :razz:
Il n’y a aucun doute que pour des raisons techniques, on ne photographie pas en argentique comme en numérique.
Bien sûr, on peut en numérique photographier comme en argentique, sans utiliser les avantages théoriques du numérique,
mais cela demande une attitude réfléchie avec une bonne dose de préméditation…

Le fétichisme en rapport avec les matériels ancien est un facteur non négligeable de permanence de l’argentique.
Les boîtiers numériques modernes ont généralement assez peu de charme.
Un bon nombre de boîtiers argentiques, Leica notamment, ont un charme irrésistible : objet, fabrication, silence de fonctionnement,
fonctionnement sans pile pour certains, transmission inter-générationnelle, optiques particulières…
C’est un argument d’utilisation non négligeable et les photographes qui feignent de ne pas attacher d’importance au matériel ne disent sans doute pas toute la vérité !

La première raison est celle du nombre de vues.

L’appareil classique sur film 35 mm permet d’obtenir 36 vues au format 24 x 36 mm avec une cartouche habituelle et le X Pan permet 20 vues au format 24 x 65 mm.
En format 120, on fait 12 vues 6 x 6 cm ou 10 vues 6 x 7 cm.
La chambre suppose un changement de film après chaque cliché.

Bien sûr, le choix du type de format et du type de film dépend de ce que l’on traite comme sujet :
s’agit-il de photographie de rue, de photojournalisme, de paysage, de nature morte, de portrait ou de photographie documentaire sur un sujet donné.
Tout photographe finit par savoir qu’il n’y a pas un appareil à tout faire et que l’on peut, à la rigueur, emporter plusieurs types de boîtiers,
mais que le dos, celui du squelette, finira par protester et que c’est aussi un bon moyen de ne rien faire de bon !
Si on est vraiment devenu sage, on part avec un boîtier et une seule optique…

Le photographe argentiste va donc se trouver confronté à un nombre limité, à un nombre « fini » de vues contrairement à la situation numérique
où les cartes modernes atteignent une grande capacité qui donne une autonomie certaine, de plusieurs centaines de vues.
Cependant, on retrouve là aussi plusieurs attitudes.
Certains photographes prennent plusieurs vues d’une même scène, en argentique comme en numérique,
alors que d’autres n’en prennent qu’une, qu’il s’agisse d’un sujet statique ou d’un sujet dynamique.

Ces attitudes face à la prise de vue sont l’objet de vastes discussions…

Si on ne prend qu’une seule vue, on court le risque qu’elle soit manquée, mais le vrai professionnel, comme William Egglestone échoue rarement.

D’autres, sont infaillibles grâce au fameux instant décisif et, tel l’archer zen, prennent la bonne photo au bon moment.
Dans certains cas, même Henri Cartier-Bresson prenait plusieurs photos
comme en témoignaient les planches contact exposées lors d’une rétrospective au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, il y a quelques années.

Dans ces cas, la lecture de la planche contact est enrichissante et permet de faire le choix, ce que les éditeurs/documentaristes
font souvent mieux que les photographes eux-mêmes.

En numérique, la sélection sur écran, écran de boîtier ou écran d’ordinateur, est finalement difficile
et le risque est d’effacer définitivement une photo qu’un autre aurait préféré ou que l’on aurait soi-même préféré quelques années plus tard.
L’autre risque est d’être noyé par les photos, trop nombreuses.
Enfin, lors de la prise de vue, regarder l’écran LCD de son boîtier peut détourner l’attention de l’évolution d’une scène.
On peut donc être tenté de le déconnecter.

La rigueur du cadre. La prise de vue est-elle différente ?

Bien sûr, tout a été dit sur la prise de vue et son impact sur le produit fini, le tirage sur papier.
La plupart des photographes reconnus se distinguent, eux mêmes et sans nuance, des « non-vrais-photographes » comme étant doté de la capacité de regarder,
et d’en tirer une photo, et pas seulement de voir. Tout le monde peut voir, mais tout le monde ne sait pas regarder…

Le viseur a un rôle essentiel, par le cadre, mais aussi parce que dans le viseur l’œil perd un élément essentiel de la vision qui est la représentation dans l’espace,
en 3 dimensions, couplée à d’autres perceptions sensorielles complexes, auditives,
mais aussi proprioceptives liées aux multiples récepteurs qui nous renseignent sur la position de nos constituants, i.e. tête ou membres, dans cet espace.
Dans le viseur, on ne voit plus qu’en 2D (ou en 2D et demi avec le Leica M à télémètre qui permet de voir en dehors du cadre)
et l’image finale est quasiment faite dans le viseur, il n’y a plus qu’à déclencher…

Tous les boîtiers ont un format (24 x36 mm pour les 35 mm, formats fonction des capteurs, 4,5X6 cm, 6x6 cm, etc) figé dès le départ.
La mode du « non-recadrage avec filet noir » a sévi pendant un moment.
Il faut bien avouer qu’en argentique, les possibilités de recadrage sont moindres, et plus difficiles, qu’en numérique (avant l’apparition du scanner de film).
La qualité actuelle des images numériques permet assez facilement de recadrer de façon plus ou moins importante une photo sans perte de qualité perceptible.
Il est vrai que l’on est parfois un peu trahi par le viseur qui ne couvre pas forcément tout le champ exposé,
cas de certains appareils reflex ou des appareils à télémètres,
bien que l’on apprenne assez vite à en tenir compte et à cadrer plus serré.

Cependant, voir dans un cadre contraint, fût-il rectangulaire, panoramique ou carré, incite à un cadrage plus rigoureux,
plus pensé et permet de tracer un pont, modeste et/ou ténu, vers la peinture comme André Lhote ou Daniel Arasse ont pu le faire.

Toutefois, il y a de multiples manières de cadrer en fonction du cadre contraint, mais aussi du sujet qui peut être abordé de multiples façons.

Gilles Peress livre une réflexion intéressante dans 6 Mois (Printemps/Eté 2012) :
« En Irlande du Nord, j’ai expérimenté dix réponses différentes – natures mortes, paysages, instantanés, portraits, plans panoramiques…
L’image n’est donc qu’un processus qui va de la perception à la représentation.
A Jérusalem-Est, où je travaille actuellement, j’ai d’abord réalisé des « croquis » avec un appareil numérique, et puis, quand je pensais que la forme était aboutie,
je réalisais l’image avec un appareil argentique».

Enfin, on sait aussi qu’en argentique, l’épaisseur du film par opposition au capteur dont l’épaisseur est quasi virtuelle influence
la mise au point et la profondeur de champ, la lumière se dispersant dans la couche photosensible qui est plus ou moins épaisse et repose sur un support.
D’autre part, la taille du capteur influence la profondeur de champ : ainsi avec le M8 qui a un capteur plus petit que celui du M9,
le facteur étant de 1,33 contre 1, la profondeur de champ est plus grande et la mise au point est plus exigeante avec le M9.
En moyen format, 6x6 ou 6x7, on retrouve la même difficulté, ce qui oblige avec faire très attention à la mise au point
et/ou à travailler à diaphragme très fermé, sauf effet de flou recherché !


On peut aussi s’interroger sur le choix du mode, noir et blanc ou couleur. La raison peut être simple et pratique :
il suffit d’une cuve, de quelques verres gradués et d’un thermomètre pour développer un film noir et blanc.
Développer soi-même du film couleur, négatif ou inversible, est plus complexe et nécessite donc une infrastructure plus lourde.

D’autre part, le noir et blanc est un mode d’expression bien ancré, même si la couleur est historiquement ancienne aussi…
Leica argumente en faveur du Leica Monochrom en disant que 90 % des utilisateurs de M photographient en noir et blanc.
On devrait plutôt parler de photo en gamme de gris, ce qui serait moins réducteur !!!
Leica fournit le M Monochrom avec un logiciel (SilverEfex) qui permet de simuler le rendu de certains films, ce qui peut paraître paradoxal,
mais il faut se souvenir qu’en fonction du type de film, à grain ou tabulaire, le rendu est aussi susceptible de changer assez fortement
(contraste, dynamique, structure du grain, etc).

La couleur mériterait de nombreux développements, mais c’est un autre sujet (différents types de film, inversible versus négatifs, perceptions et rendus, etc…).

D’où vient le charme de l’argentique ? La lecture d’une photographie est-elle conditionnée ?

On peu trouver des pistes dans de nombreux entretiens avec des photographes, et dans plusieurs ouvrages sérieux dans l’apparence comme dans la réalité.

L’étape du développement a peut-être un rôle : la magie de la révélation retardée face à l’instantanéité numérique…

L’image numérique apparaît immédiatement, soit traitée en JPEG par l’appareil, soit en données brutes à traiter.
L’essentiel figure donc d’emblée sur l’écran LCD du boîtier puis, rapidement, sur celui d’un ordinateur.
En argentique, l’image est latente et il faut la révéler.
Il faut donc charger la cuve, mouiller le film, verser le révélateur et agiter pendant un temps assez précis selon les tables de développement
et l’effet recherché, arrêter puis fixer, laver et sécher…

Ce n’est qu’après toutes ces étapes que l’on peut regarder le négatif, à l’œil nu ou à la loupe, pour essayer de construire une image inversée
avec toutes extrapolations possibles.

Cette possibilité d’imagination, qui sera parfois déçue, n’existe pas en numérique, même si le « développement »
des fichiers bruts laisse place à une certaine interprétation de l’image, sans parler des trucages qui ont toujours existé.


La lecture d’une photo


La physiologie de la vision telle qu’elle est connue n’apporte pas de réponse flagrante : l’œil participe à la formation de l’image avec ses structures spécialisées,
notamment les cônes et les bâtonnets, mais le cerveau fabrique la lecture de l’image par des mécanismes imbriqués qui sont extrêmement complexes.

Ces mécanismes se mettent en place progressivement dès la naissance.
On sait qu’un nouveau-né est doté d’une vision très médiocre et qu’il acquiert progressivement une acuité visuelle avec un pouvoir séparateur suffisant.
Il apprend également la reconnaissance des formes, visage de sa mère par exemple, pour les associer à d’autres éléments, nourriture ou autre...
Au fur et à mesure de son évolution, l’homme construit donc des circuits qui pour l’essentiel sont mis en place avant l’âge de 5 à 6 ans.
Ensuite, interviennent d’autres processus, notamment mémoriels avec une banque de références dans laquelle le cerveau puise allègrement.

La lecture d’une photo tient compte de tous ces éléments et on sait aussi que l’on ne regarde pas les photos des autres de la même façon que les siennes.
C’est en partie pour cela qu’il faut aller montrer ses photos à d’autres, photographes ou pas.
D’autre part, en argentique, on a soi-même plutôt tendance à regarder l’image dans sa globalité, même si elle est moins nette ou piquée qu’une photo numérique.
En numérique, le « crop 100% » favorise la recherche du détail et instille une recherche de résolution spatiale, d’absence de flou de mouvement,
sauf option à la prise de vue.

La question de la légende, explicative ou induisant une explication, est sujette à un large débat.
Certains pensent que la photo doit parler toute seule alors que d’autres pensent qu’une intégration contextuelle aide à voir et à comprendre.
Cela peut aussi expliquer que l’on sorte d’une exposition « l’œil en ébullition et l’électro-encéphalogramme plat » selon la jolie expression de Louis Mesplé (Rue89).
Le type de sujet a aussi son importance : photojournalisme, documentarisme, voyages, mode, etc…

Il n’en reste pas moins qu’un sujet bien construit et appuyé par un travail de compréhension et de documentation aboutit sans doute à des images différentes
de celles prises au hasard des rencontres à propos d’un thème.

On sait aussi que des clichés pris pour un sujet donné changent d’objet au fil du temps,
c’est la revanche de l’archive photographique qui a été le sujet d’une exposition au Centre de la Photographie à Genève en 2010.

Cela ramène aussi à la matérialité de l’image et c’est là où l’argentique garde un avantage théorique
comme psychologique avec le film et les planches de contact couplées aux tirages de lecture.
On peut aussi se souvenir de Winogrand « toute image est le résultat d’une bataille entre le contenu et la forme et le contenu doit l’emporter »…
Pour d’autre, c’est la forme qui doit l’emporter (HCB). Pour Gilles Peress, c’est la bataille qui compte !


On voit donc que la lecture d’une photo est conditionnée par le fonctionnement oculaire et le fonctionnement cérébral complexe
qui tient compte des différentes éducations (éducation culturelle voire philosophique, photographique, etc).
J’ai montré à des publics divers, d’âges différents et n’ayant parfois aucune connaissance photographique véritable,
des photos en noir et blanc réalisées en argentique et en numérique imprimée avec la même imprimante.
A la lumière de ce qui précède, on n’est pas surpris de constater que les jeunes générations, moins de 25 ans,
sont spontanément attirées par les photos numériques alors que les générations antérieures sont plus ambigües et préfèrent en général les photos argentiques.

Les photographes, et non des moindres, qui avouent préférer l’argentique ne disent pas réellement pourquoi
ou se réfugient derrière des considérations d’habitude ou de technique, archivage notamment. [/b]

Gilles Peress donne une partie de la clé du mystère (6 Mois Printemps/Eté 2012) :
« Le numérique reproduit mal la frontière entre l’ombre et la lumière,
toutes ces nuances que l’on peut capter en fonction de l’ouverture du diaphragme avec un appareil traditionnel.
L’image numérique est très plate à la sortie de l’appareil alors que l’argentique donne de l’éclat et de la profondeur.
J’ai réussi, après de longs essais, à restituer cet éclat à une vue numérique, mais le résultat n’est pas encore totalement abouti.
Je regarde beaucoup les tableaux pour comprendre comment ils ont résolu cette question de l’écart entre la perception et la représentation,
comment certains, au-delà du motif, arrivent à restituer un moment cru de vie ».

Ellen von Urwerth donne une autre partie de la clé :

A la question, posée en 1997, que pensez-vous du numérique ? Elle répond : « pas grand-chose de bien.
Je vais continuer l’argentique tant qu’il existera car je pense que le numérique n’est pas plus rapide. C
ertes, vous avez les photos tout de suite, mais après il faut faire tellement de retouches qui prennent des heures ;
et ce n’est pas véritablement moins cher non plus car les retouches ne sont pas bon marché.
Franchement, je ne comprends pas pourquoi tout le monde préfère le numérique à l’argentique.
L’argentique est tellement plus magique. Il y a cet élément de surprise.
Vous découvrez vos photos et vous vous dîtes « ouah » ! Avec le numérique, vous n’obtenez que ce que vous avez vu. »

Bref, chacun voit midi à sa fenêtre et tout ne peut être ramené à une question d'argent :langue:
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Kadolor
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Merci Robert pour ton intervention.

Je vais aller me chercher un café, dévier mon téléphone sur celui de ma secrétaire et réserver les deux prochaines heures pour lire attentivement ton commentaire. :wink:
Leica un jour, Leica toujours!
Robert
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