La clé aux âmes (pour l'Annual «Men in work»)

Je m'étais dit que la lutherie était un métier tranquille, patient, pour ne pas dire monacal, et que j'allais avoir par conséquent tout mon temps moi aussi pour monter le pied, et poser en toute quiétude… Or rien de tel… Les deux luthiers qui travaillent dans cet atelier sont très demandés, si bien que l'ouvrage abonde. Pour la pose, il va falloir faire confiance au matériel, en espérant que cette lumière rasante ne me jouera pas trop de mauvais tours. Pour le pied, on verra plus tard…
Comme on voit, on ne m'a pas attendu pour se mettre au boulot…
C'est la journée des violoncelles, m'avertit-on. Ici, un spécimen au collage…
Une grande partie de la qualité d'un instrument provient de son vernis, et c'est où les luthiers placent certains de leurs secrets les mieux gardés. Même si celui-ci n'a pas été conçu par Stradivari, je pars de l'idée qu'il est inutile de demander ce qu'il y a dedans…
Le grand gamin que je suis resté se passionne pour les outils aussi: ici, à côté du miroir, cette tige servant à placer et à mouvoir l'âme des instruments à cordes. Elle porte le nom magnifique de «clé aux âmes», d'ailleurs.
Et voici un alto qui ne souffre que d'une chose, de manque de temps pour être achevé. On compte environ 200 heures pour un tel instrument. Mais quand on est sans cesse interrompu par des clients en mal de réglages, de modifications urgentissimes… Cet après-midi, peut-être?
Juste à côté, l'autre luthier est attelé à une opération importante: la taille d'une «pièce d'âme» pour un violoncelle. Cette pièce va réparer une fissure dans la table de l'instrument, provoquée par la pression des cordes sur l'âme. De l'intérieur, on creuse donc la table autour de la fissure, puis on colle une pièce en manière de greffe. Bien entendu, il s'agit de trouver un bois qui corresponde, de façon à ne pas nuire à la sonorité de l'instrument. Ici, un Vuillaume, le Stradivari français. C'est dire s'il s'agit de ne pas se louper…
La pièce doit être maintenant taillée à la gouge pour être remis au niveau de la table. C'est fait avec une rapidité et une aisance stupéfiantes.
Puis vient le tour du rabot. Coup de bol, les nuages laissent passer un peu plus de lumière par la fenêtre.
N'est-il pas à croquer, ce rabot? Un petit bijou, qu'on appelle la «noisette».
Mais voilà que s'est présenté un monsieur avec un violon à vendre, pour le compte d'un tiers. Il s'agit, dit-il, certificats à l'appui, d'un instrument italien sorti des mains d'un fort estimable luthier du 18ème siècle. Il ne faut pourtant pas une minute aux deux luthiers pour flairer le lézard. La comparaison avec des planches de dessins accroît la présomption…
L'étiquette, naturellement, est fausse…
Les certificats… Bref, le vendeur est poliment éconduit. Je demande si ce genre de choses arrive souvent. «Ça arrive…»
Et le travail reprend:un retouche au vernis d'un autre violoncelle: là aussi, il faut avoir l'oeil…
Pendant qu'à côté on s'efforce de répondre au souhait d'un distingué violoniste qui souhaite que son archet soit alourdi en pointe de 0,5 grammes. La chose pour hier, naturellement…
On fond donc philosophiquement un petit morceau de plomb…
Puis on le coule dans un petit moule, sachant d'avance que le client reviendra sous peu pour demander de diminuer ou augmenter ce poids… Car les grands artistes sont tenaillés par le doute, et ont cycliquement tendance à remettre en question leur matériel – n'est-ce pas ?
Enfin le lest minuscule est fixé dans la cavité destinée aussi à recevoir la mèche. La modification doit rester visible au premier examen, d'autant plus qu'il s'agit d'un archet de grand prix. La dissimuler serait facile, mais constituerait une forme de tromperie (Nathalie, le mot exact, help!)…
J'en profite pour saisir cette chevelure de crins blonds sur les archets au présentoir…
Tandis qu'à côté, on peaufine la pièce d'âme à la lame…
Et la lumière baisse encore… J'ai ce qu'il me faut, de toute façon, pour revenir sur mon impression de quiétude heureuse en atelier de lutherie. Et encore, vous n'avez pas entendu sonner le téléphone!
R7 + R8, elmarit 19, cron 50, cron 35, elmarit 60. Tmax 400 et Provia 400.

Comme on voit, on ne m'a pas attendu pour se mettre au boulot…

C'est la journée des violoncelles, m'avertit-on. Ici, un spécimen au collage…

Une grande partie de la qualité d'un instrument provient de son vernis, et c'est où les luthiers placent certains de leurs secrets les mieux gardés. Même si celui-ci n'a pas été conçu par Stradivari, je pars de l'idée qu'il est inutile de demander ce qu'il y a dedans…

Le grand gamin que je suis resté se passionne pour les outils aussi: ici, à côté du miroir, cette tige servant à placer et à mouvoir l'âme des instruments à cordes. Elle porte le nom magnifique de «clé aux âmes», d'ailleurs.

Et voici un alto qui ne souffre que d'une chose, de manque de temps pour être achevé. On compte environ 200 heures pour un tel instrument. Mais quand on est sans cesse interrompu par des clients en mal de réglages, de modifications urgentissimes… Cet après-midi, peut-être?

Juste à côté, l'autre luthier est attelé à une opération importante: la taille d'une «pièce d'âme» pour un violoncelle. Cette pièce va réparer une fissure dans la table de l'instrument, provoquée par la pression des cordes sur l'âme. De l'intérieur, on creuse donc la table autour de la fissure, puis on colle une pièce en manière de greffe. Bien entendu, il s'agit de trouver un bois qui corresponde, de façon à ne pas nuire à la sonorité de l'instrument. Ici, un Vuillaume, le Stradivari français. C'est dire s'il s'agit de ne pas se louper…

La pièce doit être maintenant taillée à la gouge pour être remis au niveau de la table. C'est fait avec une rapidité et une aisance stupéfiantes.


Puis vient le tour du rabot. Coup de bol, les nuages laissent passer un peu plus de lumière par la fenêtre.

N'est-il pas à croquer, ce rabot? Un petit bijou, qu'on appelle la «noisette».

Mais voilà que s'est présenté un monsieur avec un violon à vendre, pour le compte d'un tiers. Il s'agit, dit-il, certificats à l'appui, d'un instrument italien sorti des mains d'un fort estimable luthier du 18ème siècle. Il ne faut pourtant pas une minute aux deux luthiers pour flairer le lézard. La comparaison avec des planches de dessins accroît la présomption…


L'étiquette, naturellement, est fausse…

Les certificats… Bref, le vendeur est poliment éconduit. Je demande si ce genre de choses arrive souvent. «Ça arrive…»
Et le travail reprend:un retouche au vernis d'un autre violoncelle: là aussi, il faut avoir l'oeil…

Pendant qu'à côté on s'efforce de répondre au souhait d'un distingué violoniste qui souhaite que son archet soit alourdi en pointe de 0,5 grammes. La chose pour hier, naturellement…
On fond donc philosophiquement un petit morceau de plomb…

Puis on le coule dans un petit moule, sachant d'avance que le client reviendra sous peu pour demander de diminuer ou augmenter ce poids… Car les grands artistes sont tenaillés par le doute, et ont cycliquement tendance à remettre en question leur matériel – n'est-ce pas ?

Enfin le lest minuscule est fixé dans la cavité destinée aussi à recevoir la mèche. La modification doit rester visible au premier examen, d'autant plus qu'il s'agit d'un archet de grand prix. La dissimuler serait facile, mais constituerait une forme de tromperie (Nathalie, le mot exact, help!)…

J'en profite pour saisir cette chevelure de crins blonds sur les archets au présentoir…

Tandis qu'à côté, on peaufine la pièce d'âme à la lame…

Et la lumière baisse encore… J'ai ce qu'il me faut, de toute façon, pour revenir sur mon impression de quiétude heureuse en atelier de lutherie. Et encore, vous n'avez pas entendu sonner le téléphone!
R7 + R8, elmarit 19, cron 50, cron 35, elmarit 60. Tmax 400 et Provia 400.