Bonjour à vous.
Tout ce que je lis ci-dessus m'interpelle à plusieurs niveaux.
Vous savez probablement que j'exerce un métier de "preneur de sons" (voir ma présentation ici:
http://www.summilux.net/forums//viewtop ... &start=240 )
Depuis 1981 je collabore à une émission de prévention routière qui s'appelle
"Contacts" et qui est diffusée à la RTBF (télévision du
service public en Belgique).
Cette émission hebdomadaire est réalisée par un département de la "Police fédérale" qui appartenait avant la réforme des polices (provoquée par "l'affaire Dutroux") à la gendarmerie.
Depuis 28 ans, je côtoie donc des gendarmes/policiers pendant quelques jours chaque mois, dans des circonstances très variées.
Je suis très sensible et je dois avouer que j'ai un problème avec les rapports de pouvoir, que je ne supporte pas.
Je n'ai pas réussi à échapper au service militaire, mais mon "service" en tant que journaliste militaire m'a permis de découvrir l'armée de façon très objective.
De nombreux voyages et des tas de reportages en Belgique ou à travers le monde m'ont bousculé énormément.
Je me suis retrouvé "de garde" avec les pompiers, à ramasser des jeunes gens à la petite cuiller lors d'accidents de week-end.
De me retrouver au petit matin, dans le brouillard avec mon enregistreur dans un carambolage en chaîne, sur l'autoroute.
D'enregistrer des râles de douleur.
De marcher dans les flaques de sang.
De voir les gens hébétés qui cherchent ceux qui sont déjà sous des draps blancs.
Je crois que si toutes ces années ont élargi ma conscience c'est "malgré moi" car toutes ces choses, il aurait été plus facile de les ignorer.
De passer du temps avec un "flic" qui travaille aux "moeurs" et dont la mission est de constater des viols sur des enfants. De l'entendre me parler du jour où il a dû annoncer à un père que sa fille de 20 ans venait de se tuer en voiture. Et le père qui ne voulait pas le croire...
Et de me dire: et après ça, tu rentre chez toi où il n'y a personne à qui tu puisses te confier.
J'étais aux côtés de Roland, le gendarme que j'ai vu sauver deux vies à parler aux victimes pour qu'elles s'accrochent à la vie qui s'enfuit.
Roland est mort maintenant.
Il profitera jamais de sa retraite.
Il a vécu au service d'une société qui lui échappait complètement mais tous ces gestes qu'il a accomplis étaient responsables.
Et c'est sa mémoire qui se réveille au bout des mes doigts qui vous écrivent ce texte.
Tout cela m'interdit de voir les gens en "tout noir" ou "tout blanc".
Pour ce qui est de photographier une intervention des forces de l'ordre (j'ai aussi une carte de presse et un appareil photo), je me demande quel en est l'intérêt.
Si ce n'est de vouloir provoquer l'autorité et d'alimenter les lecteurs ou les spectateurs de journaux à sensation, voyeurs et rarement acteurs de leur vie.
Le poids des mots, le choc des photos c'est "Paris-Match", "Voici", "France Dimanche", "Ici Paris"... je ne serais pas fier de gagner ma vie en bossant pour ces journaux qui maintiennent des tas de gens à distance des réalités par diversion.
Mon avis est qu'il est inexcusable d'exercer une violence sur autrui.
Mais certains ont un sens très pervers de la lutte.
Pour changer les choses, il y a mieux à faire que de casser du flic ou du manifestant, je le crains.
Dans tous les cas, la bêtise fait énormément de tort à l'espèce
humaine.
Il y a des tas d'autres choses à faire que de regarder des images...
C'est curieux de dire ça ici et maintenant...
Bonne soirée.