
TOKIORI
Couramment appelé matsuri (« fêtes »), les celebrations des tokiori (les « pliures du temps ») sont des moments particuliers du calendrier japonais, où le monde profane se revivifie au contact du sacré. (…) Parades, beuveries ou pèlerinages, les fêtes japonaises sont innombrables, suscitant un tourisme intérieur intense. Aujourd’hui accordées davantage aux rythmes scolaires qu’aux variations saisonnières de la nature, elles rappellent que le temps demeure néanmoins l’effet des forces cosmologiques. Ce monde échappe ainsi au processus de dégradation des choses dans le temps, auquel il serait, sinon, voué.
Dictionnaire de la civilisation japonaise, Ed. Hazan, 1994
Au printemps 2024, promenant le vague orgueil d’être vagabond, dormant à la belle étoile ou clandestinement à l’abri des sanctuaires shintō pour échapper à l’averse, j’ai marché, oscillant, dessinant des embardées entre l’erreur et l’errance, l’impasse et l’impatience, la fuite et l’effacement, dans l’archipel japonais.
De ces méandres, j’ai choisi de ne montrer ici qu’une dizaine de portraits, négligeant la narration au profit de la sensation, ne documentant rien de l’historique ni du monumentale, sans la moindre vue d’ensemble, puisque l’oeil dans « la pliure » ne voit jamais l’événement dans sa globalité mais dans sa profondeur. Parce que pour l’étranger -que j’étais-, la fête shintō est l’expérience de la perte de tout repère, chronologique, spatiale, culturel, ontologique. Labyrinthe enivrant où les 5 sens sont les témoins dépaysés, les passagers effarés d’un voyage hautement poétique, dont l’intensité, la tension, l’étrangeté ouvrent sur l’autre monde, dans les pliures du temps.
C’est donc un choix subjectif et impressionniste qui constitue cette série, dans un ordre chronologique et non esthétique, ce respect du calendrier de prise de vue étant la seule touche quelque peu rationnelle de cette courte histoire.
Matériel utilisé : M11, 75 Summilux, 28 Nokton, à pleine ouverture, la plupart du temps.