alain.besancon a écrit :
d'une part je n'ai rien de rien compris au mode .DNG + jpeg et, d'autre part, il me semblait que ça ralentissait l'enregistrement.
Pour ralentir l'enregistrement et la prévisualisation sur l'écran du M8, pour sûr que le mode
DNG + Jpeg aide. Et pas qu'un peu. Reprenons :
- le format DNG est un format RAW, c'est à dire un brut de capteur. Ce que contient le fichier DNG, c'est la quantification exacte de ce qu'a vu le capteur, c'est à dire le résultat d'une conversion anaglogique-numérique (effectuée par le CAN [Convertisseur Analogique Numérique]) directe. Il n'y a donc qu'un seul processus avant l'enregistrement sur la carte (hors stockage temporaire dans le buffer du boîtier). C'est quoi l'avantage ? Lors de cette fameuse conversion, les données de luminance (rouge, vert ou bleu) de chaque photosite sont mesurées et interprétées de sorte à produire un pixel. En DNG, chaque pixel ne comporte donc les données que pour une seule couleur (à cause de que le filtre de Bayer est un filtre en damier, qui fait correspondre à chaque photosite un filtre bleu OU vert OU rouge). Du coup, le fichier est beaucoup plus léger et maniable.*
- avant de parler de JPG, il faut parler du TIFF (Tagged Image File Format). C'est un format de "compression non destructrice". Chaque pixel est affecté de trois valeurs, une rouge, une verte, une bleue, obtenue par des algorithmes d'interpolation (puisque, nous venons de le voir, à l'origine chaque photosite ne "voit" qu'une seule couleur). Du coup, le fichier est trois fois plus lourd que l'équivalent DNG, et l'interpolation effectuée par le DSP (Digital Signal Processor) fait perdre du temps, et ce d'autant plus qu'il y a de fichiers à traiter (fort heureusement les Mistes sont à l'abris des rafales à 200 images/seconde). Le TIFF est pas mal, mais comme il s'agit d'une interprétation logicielle les données résultantes sont moins "pures" que celles fournies par un fichier DNG, raison pour laquelle les maniaques du tchaoupinage l'évitent.
- le JPG (Joint Photographic Experts Group)... c'est encore pire. Non seulement il s'agit du résultat d'une interprétation algorithmique effectuée par le DSP, tout comme le TIFF, mais en plus il s'agit d'un format de compression "avec perte", ou "compression destructrice". Chaque pixel est issu d'une interpolation à partir des données fournies par les pixels alentours, mais en plus, afin d'alléger le poids du fichier, chaque valeur est moyennée en fonction des pixels alentours. Il y a donc perte d'information, ce qui génère souvent des aplats de couleur sans modelé et sans naturel (heureusement les programmeurs font des progrès). En DNG + JPG, on doit donc générer le DNG et l'enregistrer (c'est assez rapide), générer le JPG (interpolation, compression par le biais du moyennage, encodage) puis l'enregistrer. Ça fait beaucoup de choses...
Exemple :
Soit trois pixels se suivant verticalement. L'un voit du vert, l'un voit du bleu, l'autre voit du rouge. Ces trois pixels correspondent, dans l'image, à une zone d'herbe. Dominante sujet : le vert.
Sur ces trois photosites, un seul a donc vu du vert.
En DNG, on ne touche pas au pixel bleu et au pixel rouge, c'est le logiciel de développement qui va effectuer ce dématriçage (d'où résultats différents en fonction des logiciels utilisés, d'où la question Lightroom, avec le moteur Camera RAW, ou Capture One [pour lequel le M8 est optimisé] ?).
En TIFF, il faut se débrouiller pour que le pixel vert se dote d'un information bleue et rouge, que le pixel rouge se dote d'une information verte et bleue, que le pixel bleu se dote d'une information rouge et verte. Déjà dit comme ça, ça fait mal à la tête. Mais quand en plus on se dit que cette opération est effectuée sur chaque pixels, qu'on se plaint qu'il n'y ait QUE 10.300.000 de pixels (et quelques) sur un M8, que l'interpolation se fait en cercle concentrique dégressifs et de manière pondérée, ça fait mal à la tête et on comprend mieux pourquoi ça peut être long.
En JPG, on peut reprendre le paragraphe sur les TIFF. Mais en plus il y a compression. Reprenons nos photosites de départ, et affectons-leur des valeurs en RVB en sortie du CAN.
- Pixel Vert > R:0 ; V:82; B : 0
- Pixel Rouge > R:49 ; V:0 ; B:0
- Pixel Bleu > R:0 ; V:0 ; B:40
Comme c'est de l'herbe, ces trois pixels seront donc globalement verte. Et bien, en JPG, vous allez vous retrouver avec des valeurs vertes finales, pour chaque pixel, du style 75, 75, 75... autrement dit (je caricature) rien à voir avec les données fournies par le capteur. C'est la magie du JPG. Mais ça fait des fichiers moins lourds...
Mais alors quelle utilité de faire du DNG + JPG ?
Lorsqu'on doit fournir rapidement des images, le JPG a l'avantage d'être directement lisible sans avoir recours à un logiciel de dématriçage, donc directement éditable. De plus, de par sa légèreté, il est bien plus facile à envoyer. On peut, dans une certaine mesure, se paramétrer un "style de JPG" en jouant dans le menu avec les options
Effet de netteté,
Saturation couleur et
Contraste , mais ça ne remplacera le vrai traitement ultérieur que vous allez pouvoir effectuer à partir du DNG que vous avez également enregistré.
Pour les touristes américains, le JPG, par sa légèreté toujours, permet également de faire rentrer plus d'images sur une seule carte. Pratique. (cf.
** et
***)
Posséder un JPG permet également d'avoir une direction vers laquelle fouiller lors du traitement du DNG. Mais bon, c'est un peu du bidon puisque de toute façon, à l'ouverture du DNG, une prévisualisation JPG est proposée et qu'en plus le JPG obtenu par le boîtier souffrira au niveau de la balance des blancs. (cf.
****)
Notes :
* Je ne connais pas toute la gamme Olympus puisque je n'ai pu tester qu'un E-510. Mais je tiens à souligner que ce boîtier propose une option d'enregistrement "RAW + JPG". Ce qui, à la lumière de ce que j'ai expliqué, paraît complètement inutile et ubuesque. Mais si on m'explique le pourquoi du comment de cette option, je suis preneur de l'information
** Concernant le poids des fichiers. Le codage couleur se fait sur 16 bits. Sachant que 8 bits = 1 octet, chaque pixel pèse 2 octets. Sur un M8 il y à 10 300 000 pixels. Donc l'image DNG pèse 10 300 000 octets, soit 9,8Mo. S'il faisait du TIFF 16 bits, chaque pixel pèserait 3 x 2 octets (puisqu'il y a trois couleurs, qui prennent chacune 1 octet), soit 6 octet, pour un fichier final de 29,5 Mo... Dur dur pour la carte. En JPG... j'en sais rien, je ne me suis pas amusé à compter
*** Un jour j'ai croisé un touriste américain avec un beau D3. Et il était vraiment très beau. Comme j'avais un M2, on a un peu discuté, et j'ai été étonné que, avec son beau D3, sa belle optique, sa maxi carte mémoire, il ne fasse que du JPG basse résolution... Horreur ! Sa justification ?
"Mais je peux faire plus de photos sur une seule carte !"
**** Vous aurez noté que, sur le M8, même lorsqu'on ne shoote qu'en DNG, l'image s'affiche en deux temps. L'une brute de capteur, l'autre, une seconde plus tard, réinterprétée et légèrement améliorée. Des fois, les résultats sont à se tordre de rire.