Cher Alesane,
Je ne pensais pas amener une telle réponse en postant quelques commentaires assez simples. Mais cela me donne au moins la possibilité de préciser ma pensée.
Je ne sais pas si les expressions "une méconnaissance des conditions de vie" ou "une morgue condescendante" me concernent ou visent Gilles Mora, mais je ne vais pas me camoufler derrière les guillemets que j'ai placé autour de la citation "passivité pragmatique" de G. Mora. Si j'écris l'expression c'est que je l'endosse. Pour le reste, je ne fais aucun sous-entendu, si j'avais pensé que Paul Wolff était un suppot du parti nazi, j'aurais simplement écrit qu'il était un suppot du parti nazi. Je ne l'ai pas fait. J'endosse l'expression "passivité pragmatique", mais rien de plus.
Le mot pragmatique ne me parait pas controversé : P. Wolff est un professionnel qui gagne sa vie en livrant des produits à des commanditaires / acheteurs, ce qui implique diverses contraintes auxquelles il doit ou se plier ou changer de métier, ou changer de contrée. Et je n'ignore pas qu'il a connu (1919) l'exercice du changement de contrée.
Je crois que c'est le terme "passivité" qui accroche. Une part importante des photos est destinée à montrer le monde industriel et productif, elle le fait de façon très positive, mais difficile de l'envisager autrement. Ce qui finit par me provoquer une certaine gêne, c'est le systématisme de cette attitude dans tout ce qui est montré, y compris dans ce qui pourrait avoir un aspect plus personnel, moins institutionnel.
Une part des photos prises par Paul Wolff l'a été avant 1933, sans que cela ne montre aucune différence avant / après, ce qui me laisse l'impression que la contrainte politique n'a pas joué un rôle absolu dans les choix esthétiques de Paul Wolff. Il avait la possibilité de photographier un peu "en marge",
De même, le contenu même des photos ainsi que leur situation (Francfort, Rome, Paris, Amérique) montrent que l'agence lui procurait une vraie aisance matérielle, pouvant lui laisser une certaine marge de manoeuvre. Donc je pense que la contrainte économique, bien réelle (c'est un professionnel qui doit livrer à ses clients), n'est pas non plus absolue.
Est arrivé un moment ou Paul Wolff n'a plus le choix, ou que le coût du choix est tel qu'il en devient pratiquement impossible, sauf à avoir du goût pour le martyre.
L'intérêt pour moi de ce genre d'exposition, au-delà de l'aspect formel des photographies (c'est évidemment important), c'est justement de poser la question du moment ou filer en roue libre, en suivant les contrats ou les consignes, n'est plus suffisant.
En espérant n'avoir pas trop pourfendu...