Bonjour à tous,
Je suis le fabricant du matériel à sténopé que Mr Philippe D. vous a décrit, comme il m’a gentiment invité à venir participer à la discussion sur le sujet, je me mets à votre disposition si vous désirez avoir des renseignements concernant ce type de photographie et les possibilités d’utilisation avec vos matériels Leica.
Tout d’abord si vous désirez voir des images prises avec ce procédé, vous pouvez faire une « recherche images » dans Google avec les mots : sténopé, pinhole photography (pinhole, « trou d’épingle », étant le terme utilisé par nos amis anglo-saxon pour désigner ce type de photographie). Vous pouvez également associer un format de film à ces mots, par exemple : 135 pinhole, 6x6 pinhole, 6x9 pinhole, 6x12 pinhole, 4x5 pinhole, 8x10 pinhole… vous pourrez voir ainsi que plus on monte en format plus l’image est définie (4x5 et 8x10 sont des formats en pouces soit respectivement 10x12 cm et 20x25 cm).
Une source énorme d’images est la « Worldwide Pinhole Photography Day » (
http://www.pinholeday.org/) il s’agit d’un site consacré à la photographie au sténopé où l’on peut venir poser des photos prises avec ce procédé.
Le site d’information le plus complet (en anglais) est celui d’Eric Renner au Etats-Unis (
http://www.pinholeresource.com/).
Le principe du sténopé est très ancien, il s’agit du principe de la chambre noire ou camera obscura, il n’a été utilisé en photographie qu’assez tardivement à cause de la faible sensibilité des surfaces sensibles du tout début, les premières photographies au sténopé réussies datent de 1890 à peu près. J’ai vu dans la discussion des images faites avec un boîtier 6x9 fabriqué par mon camarade Zernike Au (Zeroimage), il faut bien comprendre la relation qu’il y a entre le format film et la définition de l’image. En fait chaque point du sujet qui passe au travers du sténopé va former sur la pellicule un point image de la taille du diamètre de ce sténopé (on appelle ce point : cercle de confusion). Plus ce diamètre est petit, plus l’image sera définie, plus le temps de pose sera long et malheureusement plus la diffraction se fera sentir. Il y a un état d’équilibre donné par une formule mathématique et qui est : pour une « longueur focale » déterminée (distance séparant le film du trou), le diamètre le plus approprié est égale à √ de la focale x 0.03679. Si l’on prend un appareil comme le Leica M et que l’on place un bouchon à sténopé comme celui de Mr D. pour faire une image, on aura une focale d’à peu près 28 mm, un diamètre de sténopé de 0.20 mm et une ouverture relative de f/140. Chaque point image formé sur le film fera donc à peu près 0.20 mm, on peut descendre un peu en diamètre 0,18 – 0.15 avant de subir une trop forte diffraction (si le diamètre est trop petit, la lumière va se comporter comme un jet d’eau en pression que l’on voudrait faire passer par un tout petit trou, cela va faire pchiiiit et l’on aura un point image entouré d’une multitude de petits points qui rendront cette image très floconneuse). Pour en revenir à notre Leica M, une image formée de points de 0.20 mm va venir s’imprimer sur les 24x36 mm de la pellicule. Si l’on regarde ce négatif ou cette diapositive à l’œil nu, l’image paraîtra à peu près nette (c’est difficile de distinguer un point de 0.20 mm) mais si on agrandi cette image, on agrandi également chacun de ces points et l’image va devenir très vite « enveloppée », attention, ça peut être un avantage si, comme cela a été dit, on l’utilise pour son esthétique. Le seul moyen pour obtenir une meilleure définition est donc de multiplier ce nombre de points en augmentant le format de la surface sensible pour ne pas avoir à trop l’agrandir par la suite, voir pas du tout, d’où le principe de la caravane à sténopé. (Il existe même plus grand !).
La photographie au sténopé a une très belle particularité par rapport à la photographie optique : elle est très proche de la perception humaine. Quand vous regardez un beau paysage par exemple, votre œil parcourt ce paysage et votre cerveau recompose chaque partie de ce paysage pour vous en donner une impression générale de netteté et de grandeur, quand la nuit vient, que vous vous endormez et commencez à rêver de ce beau paysage, vous le voyez encore plus grand qu’il n’était en réalité, en fait vous semblez tout voir en même temps, aussi bien les quelques brins d’herbes qui sont à vos pieds que les arbres, rochers ou autre ruines placés autour de vous, et bien cela, vous pouvez l’obtenir avec un sténopé de très courte focale et une grande surface sensible. Quand le matin arrive et que vos songes s’estompent, tout semble se fondre dans un épais brouillard, vous ne distinguez plus que la silhouette des choses, il plane un grand mystère, et bien cela vous pouvez l’obtenir avec un format de film plus petit, un sténopé de longueur focale moyenne et un peu d’imagination quand même
.
C’est pour cela que les grands rêveurs apprécient tant la photographie au sténopé alors que les plus cartésiens d’entre nous ne jurent que part les superbes optiques de la célèbre firme Leitz.
A bientôt,
Thierry Gonidec - Sténocaméra